L’application des principes d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) en recherche se traduit par l’adoption de méthodologies innovantes, où les notions d’inclusion et de diversité prennent plusieurs formes. Deux chercheurs passionnés par la question nous livrent leurs visions.
Recherche collaborative : à la croisée de la diversité et des savoirs tirés de l’expérience
Pour Lisandre Labrecque-Lebeau, chercheuse d’établissement au Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté (CREMIS), la recherche collaborative repose sur deux dimensions clés. La première est celle de pouvoir représenter la diversité de chaque aspect étudié, c’est-à-dire les objets et les populations, mais aussi les chercheuses et chercheurs impliqués. La seconde est celle de pouvoir reconnaître, grâce aux savoirs liés à l’expérience, que les personnes concernées par un sujet, par exemple l’itinérance, sont les expertes de leur vécu. Une telle recherche peut être menée sur ces communautés marginalisées, par elles et, entre les deux, avec elles.
Qollab : le choix de méthodologies innovantes
Les recherches développées par Olivier Ferlatte, chercheur régulier au Centre de recherche en santé publique (CReSP), représentent de beaux exemples de démarches menées avec les personnes des communautés 2S/LGBTQIA+. Les projets Cannapix et Chemstory, réalisés dans le laboratoire qu’il dirige, le Qollab, reposent sur des méthodologies qualitatives innovantes fondées sur les arts et axées sur l’engagement des communautés concernées par les enjeux de consommation du cannabis et de santé mentale, en tant que partenaires de recherche. Il aime d’ailleurs l’idée que cette approche de coproduction bouscule les façons de faire.
Dans son projet de recherche Cannapix, il a convié de jeunes pairs chercheurs de la communauté 2S/LGBTQIA+ à illustrer leur consommation de cannabis avec des photos afin de comprendre la nature de la relation entre leur usage du cannabis et leur santé mentale. Un des stéréotypes courant sur les jeunes qui en prennent, c’est l’idée qu’ils le font pour oublier leurs problèmes. Dans Cannapix, il apparaît plutôt que le cannabis leur permet de poser un regard neuf sur les enjeux qui les concernent, dont l’identité de genre, la sexualité ou encore les violences qui les touchent.
L’adoption de cette méthode de recherche a favorisé la création d’un espace ouvert, moins rigide que le cadre imposé par les méthodes traditionnelles, mais aussi une démarche d’introspection. De plus, elle a mené à une exposition de photos et à la parution d’un livre, laissant ainsi une trace de la démarche. Le projet Chemstory a, quant à lui, amené des hommes gais, bisexuels et queer ayant une expérience de consommation sexualisée, à livrer le récit de leur consommation de drogues sous forme de balado.
Accéder à des connaissances plus riches
Olivier Ferlatte estime que si les méthodologies qui s’inspirent des arts déstabilisent les chercheurs, elles favorisent en contrepartie une expérience de recherche nouvelle et agréable pour les personnes impliquées dans la recherche. De plus, elles conduisent à des résultats concrets et accessibles dont les participants sont fiers. « Je dis toujours à mes étudiants que des questions plates amènent des réponses plates. Je pense aussi que des démarches plates ne nous amènent pas plus loin dans la recherche. Il faut donc continuer à innover et à utiliser des méthodes qui motivent les participants à se révéler un peu plus et de manière différente. Ça nous donne accès à des connaissances beaucoup plus riches », soutient-il. Sous son œil de sociologue, Lisandre Labrecque-Lebeau croit que l’espace offert aux participant.e.s, dans le cadre d’une recherche inclusive, permet aussi d’entendre les messages qu’ils et elles veulent porter. Voilà une façon de leur donner une voix dans les champs de recherche qui les concernent.
