Plus de la moitié des femmes de 60 ans et plus souffrent d’incontinence urinaire. Pour 25 % d’entre elles, cette perte involontaire d’urine se produit jusqu’à 10 fois par semaine. Ce problème de santé a un impact négatif sur leur vie. Elles ont tendance à s’isoler, à moins bouger, voire à connaître un état dépressif. Certaines vivront aussi un sentiment de honte.
Ce trouble est un obstacle au bien-vieillir des femmes alors que les gériatres leur recommandent de rester actives pour maintenir leur santé. Des études montrent qu’il affecte encore plus le quotidien des personnes que le diabète.
Rendre les traitements accessibles au plus grand nombre de femmes aux prises avec l’incontinence urinaire, voilà ce qui motive plusieurs projets menés par Chantale Dumoulin, chercheure au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM), depuis le début de sa carrière en physiothérapie.
Ayant d’abord travaillé auprès des nouvelles mamans à l’Hôpital Sainte-Justine, elle s’est ensuite intéressée aux femmes vieillissantes souffrant d’incontinence urinaire, en cherchant à comprendre comment la physiothérapie pouvait les aider. « Pendant longtemps, l’incontinence urinaire était taboue. Mon objectif est de faire en sorte que les femmes sachent qu’elles ne sont pas seules et que des solutions existent », précise Chantale Dumoulin.
Proposer des traitements efficaces
Dès ses premières études, la chercheure a montré l’efficacité des traitements individuels de physiothérapie du plancher pelvien. Généralement offerts en clinique privée, ils ne sont pas accessibles à toutes les femmes.
Chantale Dumoulin a alors voulu vérifier si le traitement de réadaptation de groupe pouvait être aussi efficace que le traitement individuel. Les résultats ont montré que les deux interventions avaient des impacts significatifs sur l’incontinence et que la satisfaction des patientes était similaire. Sur le plan de l’efficacité, ils ont donné des résultats cliniques comparables : une réduction de 74 % des fuites pour la version en groupe et de 70 % en suivi individuel. Ce constat a pavé la voie à traiter encore plus de femmes en physiothérapie du plancher pelvien avec des ressources matérielles et humaines limitées.
Découvrir des bénéfices inattendus
L’analyse qualitative de cet essai clinique a révélé que la dynamique de groupe avait un impact positif sur la stigmatisation des femmes. Celles-ci se sentent moins seules à souffrir de ce trouble fonctionnel. Elle a en outre mené à une découverte imprévue touchant au syndrome génito-urinaire de la ménopause. «Non seulement les exercices du plancher pelvien aident l’incontinence, mais ils améliorent aussi la vascularisation du plancher pelvien et du périnée, puis ils réduisent les douleurs et la sécheresse vaginale des participantes », précise Chantale Dumoulin.
Déployer l’accessibilité
Des doctorantes de la professeure Dumoulin poursuivent le déploiement du traitement pour l’offrir à encore plus de femmes. Mélanie Le Berre a étudié sa tenue sur Zoom en contexte de pandémie et a montré son acceptabilité, mais surtout l’avantage du suivi à distance pour les femmes des régions éloignées ou celles qui ne peuvent pas se déplacer. Gabrielle Carrier-Noreau évalue pour sa
part l’implantation du programme de groupe, en personne, dans divers hôpitaux québécois en zones urbaines et en régions éloignées.
En parallèle, Chantale Dumoulin a créé un programme de second cycle en rééducation périnéale et pelvienne à l’École de réadaptation de l’Université de Montréal, unique en Amérique du Nord. Avec près de 400 physiothérapeutes formées depuis sa création en 2010, il participe à déployer les connaissances en matière de santé pelvienne et à former une grande communauté de soins autour des femmes.
APPLICATION MOBILE
Pour étendre l’accessibilité du programme, la chercheure conçoit une application mobile consacrée à la santé pelvienne des femmes, soutenue par un financement des Instituts de recherche en santé du Canada. Elles pourront ainsi suivre le programme d’exercices de manière autonome. Un objet connecté, servant à les informer de leur capacité à bien faire la contraction des muscles pelviens, est en cours de développement avec des spécialistes de l’informatique, de l’intelligence artificielle et de l’ingénierie.
LES DÉTAILS…
Chantale Dumoulin, directrice du laboratoire Santé des femmes et vieillissement.
Pour en apprendre davantage : Chantale Dumoulin. L’incontinence urinaire. La prévenir, la traiter. Éditions du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Montréal, 2016, 131 p.
* Ce texte est écrit au féminin pour être en accord avec la thématique.