Supervision de stages en travail social : un apprentissage mutuel

« Les études ne se terminent pas à la fin du stage en travail social. » Cette réflexion de Shawn Parker,
superviseur de stages au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, illustre l’essence de son métier :
un apprentissage en continu, évolutif, façonné par l’expérience du terrain. Pour lui, former des stagiaires est une occasion de grandir, de remettre en question ses pratiques et d’affiner son regard sur des réalités humaines souvent complexes.

Fort de plus de 20 ans d’expérience, Shawn Parker oeuvre au sein de l’équipe itinérance de première ligne, où il a accompagné une dizaine de stagiaires au cours de sa carrière. Sa vision de la supervision de stages va au-delà de la transmission de savoirs. Elle se vit comme un véritable échange. « Mon objectif n’est pas de façonner les étudiants à mon image, mais de les pousser à réfléchir à leurs pratiques et à forger leur propre identité professionnelle », explique-t-il.

Ce processus est fondamental dans sa perception du métier. Chaque stagiaire arrive avec un regard neuf, des idées différentes et parfois même avec une certaine naïveté face aux réalités du travail social. Loin d’y voir un obstacle, Shawn Parker considère cela comme une richesse.

Superviser me force à revoir ma pratique. Parfois, une question posée me fait réaliser qu’un réflexe mérite d’être interrogé.

– Shawn Parker
Réalité en évolution

Si la supervision consiste à transmettre des savoir-faire et des méthodes d’intervention, pour les stagiaires, elle est l’occasion de mesurer la complexité du travail social. Intervenir, notamment en itinérance, représente un défi de taille. « Chaque situation est unique. Il n’existe pas de solution toute faite », souligne Shawn Parker. L’accompagnement d’une personne en situation d’itinérance ne se résume pas à lui trouver un logement ou un emploi. Il faut comprendre son parcours, ses traumatismes, ses besoins spécifiques et construire une intervention adaptée.

Shawn Parker

Les défis liés à l’itinérance ont considérablement augmenté ces dernières années. La crise du logement et l’accès limité aux services compliquent le travail d’intervention. Shawn Parker le constate avec une certaine gravité : « Ce que l’on vit, c’est du jamais vu. Il y a quinze ans, si une personne venait me voir pour un logement, on trouvait une solution en quelques semaines. Aujourd’hui, je ne peux même plus
garantir un toit pour la nuit », déplore-t-il.

Les stagiaires découvrent donc un terrain exigeant. Ils et elles apprennent à composer avec des situations imprévisibles. Dans ce contexte difficile, la supervision ne se limite plus à la transmission de techniques d’intervention : elle inclut également une préparation émotionnelle. La gestion du stress, la capacité à prendre du recul et à se protéger psychologiquement deviennent des compétences essentielles. « Il est primordial d’apprendre à se préserver, car ce métier, aussi passionnant soit-il, peut être éprouvant », insiste le superviseur.

Bâtir un lien de confiance

En travail social, la relation d’aide ne suit pas un schéma préétabli. Comme l’explique Shawn Parker, lorsqu’on accompagne des gens en situation d’itinérance, le suivi peut être intense pendant plusieurs semaines, puis s’interrompre pendant des mois avant de reprendre naturellement, grâce à la relation déjà construite. Cette dynamique pose un défi supplémentaire pour l’intégration des stagiaires : comment leur permettre de s’investir pleinement alors que les liens de confiance se tissent souvent sur le long terme?

Ancien intervenant en centre jeunesse, le travailleur social mesure combien il est délicat d’établir une relation authentique avec des personnes habituées à naviguer dans le système. « Certaines savent exactement quoi dire pour correspondre aux attentes. Moi, ça ne m’intéresse pas. Quand la porte est fermée, on se dit les vraies choses », confie-t-il.

C’est dans cet esprit qu’il guide les stagiaires, les encourageant à dépasser l’application de techniques
pour développer une posture d’écoute sincère et adaptée. « L’expertise ne vient pas de nous, mais des personnes que nous aidons. Ce sont elles qui connaissent le mieux leur propre réalité. Il faut les écouter », conclut-il.