Julie Christine Cotton s’est toujours intéressée aux personnes trans et non-binaires. La chercheuse à l’Institut universitaire sur les dépendances (IUD) et professeure agrégée au service sur les dépendances de l’Université de Sherbrooke, a observé que celles-ci vivent souvent de la détresse psychologique à l’égard des implications sociales de leur transitude. En contrepartie, le fait d’entreprendre des démarches de transition peut leur apporter un plus grand sentiment de satisfaction à l’égard de leur vie. Elle a voulu explorer leurs habitudes de consommation dans le contexte de leurs démarches de coming out et de transition.
En 2021, cinq organismes de la région estrienne l’ont approchée pour évaluer les ressources en place visant à soutenir les personnes de la diversité sexuelle et de genre. Cette recherche appelée LGBTQ+2021*, visait à évaluer les ressources communautaires et à voir comment créer un espace collaboratif où les personnes trans et non-binaires se sentent en sécurité et sont accueillies par des intervenant.e.s outillés adéquatement.
L’étude a dépassé les frontières de l’Estrie pour sonder un total de 1 283 personnes LGBTQ+ de tout âge. Dans le bassin des jeunes âgés de 14 à 17 ans, un sous-échantillon de 241 personnes non cisgenres ou en questionnement a été sondé sur différents indicateurs de bien-être. Le volet des habitudes de consommation et des facteurs potentiels de dépendance à Internet a fait partie des questions.
Complexité des éléments menant à la consommation
Il ressort, de l’analyse des indicateurs, que la satisfaction de ces jeunes à l’égard de leur apparence semble les aider davantage, et de manière significative, que d’autres facteurs de résilience reconnus chez les adultes trans et non-binaires, comme les sentiments de fierté ou d’appartenance à la communauté. De l’avis de la chercheuse, il importe ainsi de bien les accompagner dans des soins transaffirmatifs et d’accepter leur expression de genre. Elle espère aller encore plus loin dans sa recherche afin d’évaluer comment les habitudes de consommation de ces jeunes peuvent être plus saines et moins à risque. L’une des pistes semble reposer sur une satisfaction plus grande à l’égard de leur apparence et de leurs relations avec les autres.
Plusieurs facteurs de stress externes ont des impacts sur le bien-être des personnes trans et non-binaires et leurs habitudes de consommation, dont le fait de subir de la discrimination en lien avec l’identité de genre. « Le rejet, la non-reconnaissance et toute la victimisation sexuelle, verbale, physique en lien avec l’identité de genre » sont aussi des éléments de stress externes, selon Julie Christine Cotton.
Des facteurs de stress internes jouent aussi, comme l’intériorisation de la transphobie. Les personnes peuvent en venir à développer de la honte par rapport à leur transitude et anticiper, de manière négative, certains événements. « Je donne toujours l’exemple d’un jeune qui se prépare pour son bal de finissant en 5e secondaire. C’est souvent l’événement auquel tout le monde a hâte, mais, pour un jeune trans, ça pourrait être tout le contraire », précise la chercheuse. En conclusion, pour être en mesure de présenter un portrait qui reflète la réalité des jeunes trans et non-binaires et de leurs besoins dans le domaine des dépendances, il est nécessaire de considérer leur vécu dans différentes sphères de leur vie (ex : personnelle, familiale, scolaire, institutionnelle).
Julie Christine Cotton a créé le Laboratoire inclusif de recherche et développement (LIRD) à l’Université de Sherbrooke. Sa prémisse de départ repose sur le principe de la discrimination positive à l’embauche. Depuis 2018, une douzaine de personnes neurodivergentes ou issues de la diversité sexuelle et de genre y ont été embauchées et formées à la recherche.
Projet : Évaluation des besoins en termes de services et de ressources communautaires chez les jeunes LGBTQ+ et leurs familles en vue du développement potentiel d’un espace collaboratif communautaire en Estrie (appelé ici LGBTQ+2021)