Aussi bien dans la littérature scientifique que dans la pratique, on constate des lacunes à propos des connaissances, des services et des soins offerts à certaines tranches de la population relativement au traitement de la dépendance. Les femmes et les personnes de la communauté LGBTQ+, qui vivent avec une problématique de consommation de substances psychoactives (SPA), se sentent en général stigmatisées ou exclues lorsqu’elles ont besoin de soins. Et pour cause : ces populations plus à risque de vivre des traumas de toutes sortes (violence psychologique, émotionnelle, sexuelle, physique, etc.) se retrouvent dans des situations de vulnérabilité et de précarité sociale qui alimentent leurs problèmes de consommation. Malheureusement, les services et traitements de base en dépendance ne sont pas adaptés à leur réalité complexe.
La chercheuse Karine Bertrand s’intéresse à ces populations en situation de vulnérabilité et à leur parcours de rétablissement : « L’objectif du projet est de voir comment l’identité de genre, le genre et la précarité influencent l’usage de SPA et l’expérience dans les traitements. Ultimement, le but est de guider le développement de services adaptés pour les populations ayant des besoins sociaux et de santé complexes. »
À l’écoute des expériences de vie
Le projet de recherche se déroule simultanément au Québec, en Belgique et en France, où chaque équipe recrute jusqu’à une centaine de participants. Les personnes interviewées, toutes consommatrices de drogues et vivant dans une situation complexe (précarité sociale, financière, de logement, etc.), racontent leur histoire et leur parcours dans les services. Déjà, dans les résultats préliminaires, Karine Bertrand observe l’influence des traumas : « À travers leur récit, on peut voir l’effet majeur des traumas dans leur vie et l’influence de ceux-ci sur leur usage de SPA. D’un autre côté, on voit que leurs forces et leur capacité à surmonter les épreuves sont des éléments essentiels dans leur processus de rétablissement. » En s’ancrant sur les réalités des femmes et des personnes de la diversité, les chercheurs travaillent à étendre les connaissances qui tiennent compte de leurs besoins propres.
Combinée à une revue de la littérature, l’analyse des savoirs expérientiels de tous les participants servira à comparer l’influence du contexte culturel et à émettre des recommandations, qui tiendront compte du genre et de l’identité de genre, pour adapter les services en traitement de la dépendance aux niveaux local et international. « Il est primordial de développer des approches sensibles à l’expérience de vie, dont le trauma fait partie, afin de répondre aux besoins complexes. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans le traitement pour ne pas compromettre le rétablissement », conclut la chercheuse.
Le projet de recherche international Gender-ARP
Karine Bertrand est directrice scientifique de l’Institut universitaire sur les dépendances, chercheuse et professeure titulaire aux programmes d’études et de recherche en toxicomanie de l’Université de Sherbrooke.