Accès difficile aux soins de santé, insalubrité des lieux, cellules partagées, mauvaise alimentation, les conditions de détention des femmes sont régulièrement dénoncées dans l’actualité. Si les prisons sont
reconnues pour nuire à la santé des femmes qui y séjournent, comment les personnes incarcérées
tentent-elles de prendre soin de leur bien-être dans ces établissements?
Selon Catherine Chesnay, chercheure au Centre de recherche sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté (CREMIS), les soins de santé en prison passent par la solidarité et le soutien mutuel. Elle souligne que des femmes offrent leur aide
pour la rédaction de requête de soins à celles ayant une littératie plus limitée.
« Dans les prisons provinciales, les personnes incarcérées doivent faire des demandes écrites pour avoir des soins médicaux, explique la chercheure. Par exemple, une femme souhaitant obtenir des antidouleurs pour soulager ses crampes menstruelles doit soumettre un « mémo » qui sera évalué par une professionnelle de la santé. Les femmes s’entraident pour rédiger ces demandes. C’est une stratégie de solidarité et de collaboration qu’on observe. »
La prise en charge d’autres types de soins, pour le sevrage notamment, serait également courante entre personnes incarcérées. Certaines femmes veillent sur celles qui traversent un épisode d’arrêt forcé de consommation, en s’assurant que leur sécurité n’est pas compromise et en leur offrant un soutien moral.
Une population déjà fragile
L’entraide figure parmi les stratégies et les pratiques mises en place par les femmes pour maintenir leur bien-être, malgré les conditions difficiles.
« On sait que l’enfermement impacte la santé mentale, précise Catherine Chesnay. On sort une personne de son milieu de vie puis on l’amène dans un endroit restreint où elle ne peut pas contacter ses proches et ne sait pas combien de temps elle va rester, ce sera pour n’importe qui une expérience difficile. Si on y ajoute des enjeux de maladies chroniques, par exemple, le portrait va se complexifier. »
Si le défi est grand pour toute personne emprisonnée, il l’est encore plus pour les femmes. Une majorité d’entre elles est déjà fragilisée avant même de subir les effets de l’enfermement. La chercheure parle d’une juxtaposition de vulnérabilités. « Elles sont considérées comme vulnérables en raison des situations
qu’elles vivent fréquemment, telles que les troubles de santé mentale, la pauvreté, l’itinérance, les dépendances, les traumatismes, ainsi que les discriminations et violences variées », souligne Catherine Chesnay.
Problème de reconnaissance
Un autre défi majeur est le manque de reconnaissance de l’expertise des femmes concernant leur propre santé. « Les personnes dans les prisons pour femmes, souvent elles ne sont pas crues. On trouve qu’elles exagèrent, qu’elles sont très émotives ou manipulatrices, sans voir que le contexte les met déjà en échec », explique Catherine Chesnay. Les participantes à sa recherche ont témoigné du peu de pouvoir qu’elles ont sur leur santé, car elles ne sont pas considérées comme des actrices actives dans la prise de décision relative à leurs traitements.
« C’est vraiment difficile, voire impossible, de prendre soin de sa santé en prison, m’ont dit plusieurs d’entre elles. Même les choses simples, comme obtenir des médicaments, gérer la douleur chronique en demandant un deuxième oreiller ou avoir une alimentation adéquate, représentent tout un défi pour les femmes! C’est important pour moi de faire valoir leurs besoins sur le plan de la santé, car l’accès à la santé est un droit », conclut la chercheure.
LES DÉTAILS…
Catherine Chesnay, chercheure affiliée au CREMIS et professeure à l’École de travail social de l’UQAM
Pour en savoir plus : Chesnay, C. (2020). « On ne peut pas être en santé en-dedans, crois-moi » : Faire sa santé en prison. Revue du CREMIS : Citoyennetés quotidiennes, 12 (1), 3842.
* Ce texte est écrit au féminin pour être en accord avec la thématique.