« Sur le plan des expériences vécues, on ne peut pas comparer la situation d’un parent qui prend soin de son enfant polyhandicapé à celle d’un enfant qui, devenu adulte, soutient un parent vieillissant avec des pertes cognitives, ni à celle de la conjointe d’une personne ayant un trouble lié aux substances ou aux jeux de hasard et d’argent. Pourtant, au sens de la Loi, l’ensemble de ces personnes peut être considéré comme des personnes proches aidantes », annonce Mélissa Côté, chercheure à l’Institut universitaire sur les dépendances (IUD).
C’est justement à la thématique embryonnaire de la proche aidance en contexte de dépendances qu’elle consacre l’un de ses nouveaux projets de recherche. Champ de recherche peu foulé jusqu’ici, Mélissa Côté n’a relevé que 79 articles s’y rapportant sur les cinq continents, dont seulement trois au Canada, alors qu’aucun n’a encore été publié au Québec.
Reconnaître les personnes proches aidantes
Les personnes proches aidantes apportent un soutien essentiel au système de santé. Les reconnaître et leur offrir des services adaptés constituent l’une des façons d’en prendre soin et de répondre à leurs besoins complexes et singuliers. C’est dans cette optique que le Québec a voté la Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes en 2020, puis qu’il s’est doté d’un plan d’action visant à les accompagner et à les outiller.
Une personne sur cinq tenait le rôle de personne proche aidante au Québec en 20181. Mais cette donnée est à interpréter avec prudence, selon Mélissa Côté, « car elle ne permet pas de savoir si ces personnes soutenaient spécifiquement un ou une proche ayant des enjeux de santé mentale, dont font partie les dépendances ».
Le projet vise notamment à établir une typologie des membres de l’entourage en dépendance, dont certains se reconnaissent comme des personnes proches aidantes, et à concevoir, avec leur collaboration, une intervention qui leur est adaptée. Il tente aussi de mieux comprendre qui sont les membres de l’entourage qui se définissent comme personnes proches aidantes en contexte de dépendances et pourquoi d’autres sont réticentes à se définir ainsi.
Jouer un rôle déterminant
Parler de proche aidance en dépendances apparaît, pour plusieurs, comme une posture audacieuse. Celle-ci s’inscrit dans une volonté de mieux aider ces personnes qui offrent un précieux soutien à leur proche, au quotidien. S’intéresser aux membres de l’entourage a toujours fait partie des intérêts de recherche de la chercheure : « J’ai constaté leur rôle déterminant dans l’entrée en traitement de leur proche qui présente une dépendance, mais aussi dans son processus de rétablissement. Intégrer l’entourage dans l’intervention est une plus-value indéniable pour les personnes présentant une dépendance. Cette intégration offre en retour à l’entourage la possibilité de faire différents apprentissages pour mieux comprendre et soutenir leur proche. »
Contrairement aux personnes proches aidantes en santé physique, celles qui soutiennent un proche ayant une dépendance font face à davantage de préjugés persistants, liés notamment à la méconnaissance des dépendances. Par exemple, il est courant de penser que celles-ci reposent sur un manque de volonté ou peuvent être facilement contrôlées, alors qu’elles relèvent d’un trouble complexe et au long cours. En reconnaissant la précieuse contribution des membres de l’entourage, on peut dissiper cette stigmatisation et mieux les soutenir, notamment sur le plan de leur santé psychologique et physique, conclut la chercheure.
LES DÉTAILS…
Projet : La reconnaissance des personnes proches aidantes en contexte de dépendance : de l’auto-reconnaissance à la coconstruction, à l’implantation d’une intervention leur étant dédiée (2024-2027), financé par le programme Actions concertées du Fonds de recherche du Québec — Société et Culture.
Mélissa Côté, chercheure régulière, IUD et professeure adjointe, Université Laval
- Parmi la population âgée de 15 ans et plus, le taux était de 21,1 % selon l’Observatoire québécois de la proche aidance. ↩︎
