Audiodiversité et communication : libérer la parole sous toutes ses formes

« La parole, ça fait vraiment partie de notre identité dans une société qui est hautement intellectualisée et axée sur la communication », souligne l’étudiante au doctorat Geneviève Lamoureux, orthophoniste, mais aussi coproductrice et coanimatrice de Je, je, je suis un podcast[1] démystifiant le bégaiement.

Photo de Geneviève Lamoureux
Geneviève Lamoureux

Comme plusieurs personnes qui bégaient, elle a appris à masquer ses difficultés grâce à des stratégies qui demandent des efforts cognitifs importants, mais garantissent de bonnes interactions sociales en évitant l’exclusion. Dans la vingtaine, elle a décidé de travailler à accepter son bégaiement.

Sous la cosupervision[2] d’Ingrid Verduyckt, chercheuse au Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain – Institut universitaire sur la réadaptation en déficience physique de Montréal (IURDPM-CRIR), la candidate au doctorat en sciences de l’orthophonie poursuit un but précis avec son projet de recherche : explorer des approches tangibles pour réduire la stigmatisation et l’autostigmatisation liées au bégaiement dans le contexte thérapeutique ou au sein de la société.

Inclure pour faire changer durablement

Basée sur une méthodologie de recherche-action rigoureuse et participative, cette recherche doctorale « a des visées d’équité, de diversité et d’inclusion, mais par son approche, il [les] intègre déjà », fait remarquer la professeure Ingrid Verduyckt. Sa première phase consiste en une consultation d’expert.e.s qui sont, en premier lieu, des personnes qui bégaient. À ce groupe de cinq personnes se joignent six clinicien.ne.s – psychologues, orthophonistes, travailleuses et travailleurs sociaux – et six expert.e.s en innovation de la santé.

De leurs idées pour contrer la stigmatisation et l’autostigmatisation, trois ressortent :

  • Développer une vision plus positive du bégaiement en augmentant les contacts avec les personnes qui bégaient;
  • Sensibiliser la population au bégaiement dans les établissements scolaires, par exemple, ou grâce à la publicité;
  • Mieux former l’entourage de la personne qui bégaie, c’est-à-dire les membres de la famille, les proches et les personnes qui la côtoient à l’école ou au travail.

Différentes ressources en ligne, des services-conseils et des formations destinées aux professionnel.le.s de la santé et des médias seront développés dans une seconde phase, à partir de ces réflexions, d’entrevues semi-dirigées et d’une revue de la littérature pertinente.

L’équipe souhaite que ces connaissances et ces outils concrets permettent d’opérer progressivement un changement positif dans les perceptions du bégaiement. Elle espère qu’ils en viennent à modifier les pratiques cliniques et culturelles, et mènent à une plus juste représentation des personnes bègues dans les médias, puis dans la société.

Surmonter la discrimination

La sensibilisation résultant de ce projet de recherche permet du même coup de s’attaquer au capacitisme, une forme de discrimination accordant plus de valeur aux gens sans handicap. Comme le rappelle Ingrid Verduyckt, les objectifs du projet peuvent « être utiles à des personnes qui présentent d’autres types de handicaps de la communication et servir de manière plus large aussi dans ce qu’on a décidé d’appeler l’audiodiversité, au même titre que la neurodiversité. »

Ainsi, par leur engagement dans cette recherche et leur conviction à réduire la stigmatisation et l’autostigmatisation des personnes qui bégaient, Geneviève Lamoureux et l’équipe impliquée adoptent une posture de militantes. Elles donnent une place et une voix à tous les individus qui vivent avec le bégaiement ou toute autre difficulté de communication et appuient leur souhait d’être écoutés, entendus et inclus.


[1] En collaboration avec l’organisme Association bégaiement communication.

[2] Ce projet de recherche est aussi cosupervisé par Lucie Ménard, vice-doyenne à la recherche à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

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