Amélie Blanchet Garneau a décidé d’explorer la question des besoins des Autochtones après avoir été témoin de plusieurs comportements discriminatoires dans son milieu de travail comme infirmière. Elle a poussé sa quête jusqu’aux études postdoctorales et elle est aujourd’hui titulaire de la Chaire de recherche autochtone en soins infirmiers au Québec qui vise à répondre au racisme systémique envers les Autochtones dans les soins de santé.
La programmation de la recherche de la Chaire, développée en partenariat avec le regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec, porte sur la décolonisation des pratiques infirmières, mais aussi des organisations. Outre lutter contre le racisme systémique, elle veut favoriser l’équité et la sécurité culturelle des personnes autochtones dans les milieux de soins de santé.
Les travaux de l’équipe portent notamment sur les approches antiracistes et l’organisation des soins pour les personnes autochtones, mais ils mettent aussi l’accent sur l’importance de bien connaître les communautés. « Notre travail demande d’abord une bonne connaissance de la population autochtone que l’on dessert, avec ses particularités locales », affirme Amélie Blanchet Garneau, qui est aussi chercheuse régulière au Centre de recherche en santé publique (CReSP) et professeure agrégée à l’Université de Montréal. À travers ses travaux et ses interventions, elle souhaite faire réaliser aux gens que la société, les systèmes de santé et les pratiques professionnelles sont organisés dans une perspective blanche qui laisse peu place à l’ouverture, pour le moment.
La vérité avant la réconciliation
Selon la scientifique, le premier pas que devraient faire les professionnel.le.s est de reconnaître la vérité, soit d’identifier les barrières systémiques, les biais conscients et inconscients et les éléments discriminatoires. « Actuellement, on tente la réconciliation avant même d’affirmer la vérité, déplore Amélie Blanchet Garneau, comme dans le récent projet de loi sur la sécurisation culturelle dans les soins de santé déposé au début de juin 2023. Je me demande comment nous pourrons le mettre en œuvre sans avoir bien identifié où sont nos angles morts dans l’offre de soins de santé aux Autochtones. »
Elle mentionne, par exemple, que le fait de ne jamais avoir de personne autochtone engagée dans la gestion et l’organisation des soins de santé nuit à l’offre, par manque de perspective. « On accueille et on traite les gens avec les protocoles et les modalités des établissements qui ne correspondent pas aux besoins et aux spécificités des personnes autochtones », dit-elle.
À cet égard, la Chaire collabore avec diverses organisations autochtones, elle favorise des entreprises appartenant à des Autochtones pour la réalisation de mandats, mais elle compte aussi des personnes d’origine autochtone dans son équipe.
Pour plus de flexibilité et d’ouverture
Comment faire pour pallier les manques et, à long terme, améliorer le système de santé? Amélie Blanchet Garneau voit deux avenues convergentes : « D’abord, questionner individuellement nos façons de faire, nos barrières – à condition de les avoir bien identifiées – et ne pas jeter la serviette en raison de l’imposant système. Ensuite, il y a la présence grandissante de gestionnaires qui sont formés à la sécurité culturelle et aux approches antiracistes. Pas à pas, avec une démarche qui vient du terrain et qui monte, et une autre qui vient d’en haut et qui descend, il y aura forcément une rencontre et là on pourra voir des changements dans le système. »
Pour encourager cette rencontre, elle propose de travailler en amont afin de favoriser l’accession des personnes autochtones à des postes de gestion et à la formation. « Il faut cesser de penser que des mesures en ce sens se font au détriment des personnes blanches et s’assurer que les personnes autochtones participent à la prise de décision », conclut-elle.
Chaire de recherche autochtone en soins infirmiers au Québec
Titulaire : Amélie Blanchet Garneau, professeure agrégée à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal, chercheuse régulière au CReSP
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