À quand une véritable équité en santé?

Les personnes en situation de handicap sont trop souvent confrontées à des comportements et des
situations discriminatoires. L’Organisation mondiale de la Santé estime que 1,3 milliard de personnes sont en situation de handicap, soit 16 % de la population globale. Au Québec, 21 % de la population de plus de 15 ans a une incapacité
1. Pour les filles et les femmes s’ajoutent les iniquités liées au sexe et au genre.

Cela dit, leurs droits sont reconnus par la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée en 2006, puis ratifiée par le Canada en 2010. « Presque toute la planète l’a ratifiée et pourtant… il serait grand temps que leurs droits soient respectés », soutient Muriel Mac-Seing, chercheure au Centre de recherche en santé publique (CReSP).

Elle a travaillé 15 ans en développement international au sein d’organismes actifs auprès des femmes, des hommes et des jeunes en situation de handicap, notamment en Afrique et en Asie. Cette expérience lui a permis de constater à quel point les politiques qui leur sont destinées ne sont pas inclusives.

Elle a souhaité montrer, avec des données probantes, que les filles et les femmes vivent une discrimination encore plus marquée, mais aussi faire entendre leurs voix. C’est ainsi qu’elle a quitté sa carrière pour mener un doctorat en santé publique.

Barrières multiples et capacitisme persistant

Les filles et les femmes en situation de handicap se butent à des barrières importantes. Plusieurs d’entre elles sont physiques, par exemple le manque de rampes d’accès dans les lieux de soins, des toilettes inadaptées à un fauteuil roulant ou encore l’absence de soins appropriés aux incapacités sensorielles, auditives et visuelles. « L’accessibilité, c’est aussi l’accès à des interprètes en langue des signes pour que les patientes reçoivent une information juste », explique la chercheure.

D’autres barrières relèvent des préjugés et, surtout, de la discrimination. Muriel Mac-Seing a recueilli des témoignages qui montrent bien les biais auxquels les femmes sont confrontées en matière d’accès aux soins de santé maternelle, sexuelle et reproductive. « Si on propose d’emblée à une femme enceinte en situation de handicap un accouchement par césarienne, sans d’abord la consulter, c’est une approche intrusive qui ne tient pas compte de ses choix. J’ai reçu de nombreux témoignages sur le terrain en Ouganda, lors de mon doctorat, mais on entend les mêmes au Québec », indique-t-elle. Des femmes se font imposer la stérilisation ou la contraception forcée parce qu’elles sont en situation de handicap. « Mais ces femmes savent ce qu’elles veulent et peuvent très bien décider par et pour elles-mêmes », rappelle la chercheure.

Il est, selon elle, urgent de briser ce capacitisme genré, car cette attitude discriminatoire entrave le potentiel des femmes en situation de handicap et l’accès équitable aux services et aux informations de santé.

Multiplication des vulnérabilités

Les femmes en situation de handicap font partie des groupes les plus vulnérables de la société, au Québec comme ailleurs2. Au-delà des barrières d’accès à des soins de santé équitables, elles sont les plus touchées par le chômage, la pauvreté, l’exclusion sociale, la violence conjugale et les agressions sexuelles. Ce portrait n’est pas réjouissant, mais témoigner de leurs situations et les diffuser tout en y
éveillant les instances de décisions sont essentiels pour changer les choses. C’est l’objectif que s’est donné Muriel Mac- Seing comme chercheure et professeure. Elle est d’avis qu’il existe une panoplie de mesures à mettre en place sans tarder, pour offrir à ces filles et ces femmes des ressources adéquates et suffisantes, et véritablement les inclure.


LES DÉTAILS…

Muriel Mac-Seing, chercheure régulière au CReSP, professeure adjointe en santé mondiale au Département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal.


  1. « Près d’un million et demi de personnes ont une incapacité. Cela représente 21 % de la population québécoise de 15 ans et plus, selon l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2022. » Gouvernement
    du Québec. Semaine québécoise des personnes handicapées. Mai 2024. ↩︎
  2. Starrs, A.M., Ezeh, A.C., Barker, G., Basu, A., Bertrand, J.T., Blum, R. et al. (2018). « Accelerate progress—sexual and reproductive health and rights for all: report of the Guttmacher–Lancet Commission ». The Lancet. 391(10140): 2642-92. ↩︎

* Ce texte est écrit au féminin pour être en accord avec la thématique.